CHEZ DOMINIQUE
Lieu de retraite des peintres jadis, des artistes bohèmes qui chassaient le lapin au maquis pour se caler un coin de l’estomac, depuis le début du 20e siècle, la rue affiche des commerces aux allures suspectes, dont les enseignes déversent leur lumière criarde sur le pavé, où sévit désormais l’empire despotique des malfrats. On réglait maintenant en toute impunité ses comptes au 7,65 ou à la sulfateuse. La mitraille fit gicler la couleur rouge pourpre. C’était l’époque où la drogue et le racket venaient s’ajouter à la prostitution et au vol, des commerces aux lucratifs bénéfices. C’était avant la guerre, au temps béni des familles corses.
Et la terreur continua durant la seconde guerre mondiale. Se mêlait maintenant dans l’empire du crime, malfrats d’élite du Milieu et gestapistes déguisés en uniforme allemand, flics véreux et trafiquants de marché noir. En ces belles années du pillage national et de répressions en tout genre, le bar chez « Dominique », patronné par un corse du nom de Dominique Carlotti, fut un de ces lieux prisés par la « Carlingue » de la rue Lauriston. Associé à Charles Cazauba (voir ci-dessous), il savait aussi faire preuve de patriotisme, en s’associant à Jo Attia dans le trafic de « récupération ». Tout frais sorti de l’enfer de Fresnes où il avait échappé de peu à la mort, par la faucheuse allemande, le « Grand » s’était spécialisé dans la bijouterie « grand luxe ». Cette combine très luctrative consistait à récupérer aux hommes de Lafont, des objets de valeur pris notamment aux juifs, ou après avoir pillé leurs appartements.